«Les réunions de la délégation tunisienne avec les responsables du FMI à Washington ont été constructives et nous espérons conclure un accord avec le Fonds d’ici à trois mois», a déclaré le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Ali Kooli, dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Kooli a présidé la délégation qui a effectué une visite du 3 au 8 mai à Washington, dans l’objectif de relancer les relations et les négociations avec les responsables du Fonds monétaire international (FMI), dans la perspective d’aboutir à un nouvel accord permettant à la Tunisie de dépasser ce cap difficile. La délégation a eu également des rencontres avec les autorités américaines et la Banque mondiale (BM), ainsi qu’avec l’agence gouvernementale américaine Millennium Challenge Corporation (MCC).
Près de 7 réunions ont été tenues avec les responsables du FMI en présentiel, sauf que ces rencontres ont été limitées à 10 personnes, conformément au protocole sanitaire anti-Covid-19, ce qui fait qu’un certain nombre de personnes a suivi les réunions par vidéoconférence. D’ailleurs depuis un an, c’est la première fois que les responsables du FMI accueillent des délégations en présentiel, et la Tunisie a été le premier pays à en bénéficier, précise le ministre de l’Economie.
Suite aux dernières négociations que vous avez menées avec les responsables du FMI, y a-t-il des prémices laissant présager la conclusion d’un nouvel accord avec la Tunisie? Si oui, quel est le montant de cet accord de financement, sa périodicité et sa destination ?
Les réunions que nous avons tenues à Washington avec les responsables du FMI ont été constructives. Après des discussions intensives, les responsables du FMI, que ce sont les administrateurs des pays les plus influents, qui sont les décideurs finaux, ou bien la vice-présidente du FMI, ou le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, ont trouvé que notre plan était réaliste et réalisable et ils ont apprécié le fait que ce plan a été partagé en Tunisie en virtuel. Nous avons l’ambition de conclure un accord avec le FMI d’ici à trois mois. Nous espérons que les délais seront plus courts que d’habitude, car généralement les discussions techniques durent six mois. Notre plan est prêt mais il est encore perfectible et nous allons discuter des avancées avec nos partenaires du FMI, ainsi qu’avec l’ensemble de nos partenaires en Tunisie, à savoir les partis politiques qui nous soutiennent, la société civile
ainsi que les trois organisations qui ont signé des accords avec le gouvernement, l’Utap, l’Ugtt et l’Utica, avec lesquelles nous continuerons à coordonner pour leur donner le détail de ces négociations. D’après les premiers échos, nous devrions pouvoir conclure d’une manière très intéressante nos discussions. Le meilleure témoignage du succès des négociations est la déclaration de la vice -présidente américaine, Kamala Harris, la semaine dernière, lors de son entretien avec le Président de la République, Kais Saïed, qui a affirmé que la délégation tunisienne qui est venue à Washington a été extrêmement convaincante, et que suite à cela, les Etats-Unis d’Amérique seront aux côtés de la Tunisie pour les aides directes et pour les négociations avec le FMI. Maintenant, nous entamons les discussions techniques et en fonction de ces discussions, nous déterminerons le montant de l’accord. D’ailleurs, quelle que soit sa valeur, il n’est pas à décaisser de suite, car dans les discussions avec le FMI, l’accord sera fixé sur un laps de temps variable de deux, trois ou quatre ans, selon la nature de l’accord, et sa libération sera également par tranches, selon les réalisations.
En 2013, près de 70% du montant de l’accord conclu avec le FMI ont été décaissés et en 2017, près de 55% du montant de l’accord ont été libérés, faute d’une mise en œuvre réelle de l’ensemble des réformes structurelles prévues dans le cadre du plan de développement 2016-2020. Dans cet accord, nous espérons la réalisation de la totalité du plan, quel que soit le montant qui va faire l’objet d’un accord. Nous cherchons une validation du programme de réforme de la Tunisie et une marque de confiance envers un gouvernement sérieux, engagé et qui respecte ses promesses, d’autant plus que cette image va nous donner beaucoup de crédibilité avec les autres bailleurs du fonds, et nous aider à améliorer la note souveraine du pays. Notre objectif est de montrer que la Tunisie est sur la bonne voie, et les revues périodiques pourront témoigner de cela. Une grande part des financements qui sont en négociation avec le FMI, la BM ou avec nos partenaires américains et européens sera allouée au soutien du budget. Ainsi, dans la loi de finances 2021, nous avons un montant de dettes à lever de 18 milliards de dinars, dont une grande partie servira au remboursement de la dette précédente, qui est de l’ordre de 15,5 milliards
de dinars. Le financement dont nous avons besoin sera destiné directement au budget de l’Etat, pour rembourser des dettes précédentes. Certes nous aurons auprès de certains bailleurs de fonds des prêts orientés vers des projets d’équipement, mais ce que nous souhaitons aussi est d’avoir des financements qui vont dans l’aide budgétaire, pour faire face aux 52 milliards de dinars de dépenses prévus dans le cadre du budget 2021.
La Tunisie a demandé officiellement le renouvellement de la garantie américaine pour qu’elle puisse sortir sur le marché international. Quelle était la réponse à cette demande ? Et quel est le montant de l’emprunt obligataire que vous comptez lancer ?
L’échéance du remboursement des emprunts que nous avons obtenus durant les années 2013, 2014 et 2015 sur les marchés internationaux, et dont une grande partie a bénéficié d’une garantie américaine, aura lieu aux mois de juillet et août 2021, soit une somme à rembourser de 500 millions de dollars au titre de chaque mois. Durant notre visite à Washington, nous avons rassuré nos partenaires américains et nous leur avons exprimé la volonté de la Tunisie de payer ses dettes, et nous nous sommes engagés à cela. En contrepartie, nous leur avons demandé de nous témoigner le même soutien, pour sortir sur le marché international et lancer des emprunts. Nous allons emprunter, d’ici à la fin de l’année, selon nos capacités de mobilisation des ressources en Tunisie, entre 3 et 4 milliards de dollars. Nous avons l’ambition de mobiliser une partie de ce montant, avec une garantie américaine. Les autorités américaines ont témoigné tout leur soutien à la Tunisie dans son plan de réforme et leur volonté de travailler de manière active, à lui assurer une nouvelle garantie. Nous espérons que l’ensemble de ces discussions aboutiront à un nouvelle garantie d’ici à l’été, et que nous pourrons avoir aussi l’accord de notre Parlement, y compris pour la garantie américaine, pour pou- voir sortir sur le marché international et lancer des emprunts, dont une partie se fera avec la garantie américaine et une autre sans garantie.
Avez-vous achevé les discussions avec l’agence Millennium Challenge Corporation (MCC) sur l’accord portant sur un don de 500 millions de dollars. Quel sera le timing de sa signature ainsi que l’emploi de ce don?
Nous avons finalisé les discussions sur l’accord portant sur un don de 500 millions de dollars avec le MCC, qui datent depuis quatre ans. Nous avons discuté tous les points en suspens et nous sommes arrivés à un accord durant cette visite à Washington.
C’est un énorme succès, puisque lors du démarrage des discussions il y a 4 ans, le montant était de l’ordre de 200 millions de dollars, alors que maintenant, nous sommes parvenus à l’augmenter à 500 millions de dollars. Si le conseil d’administration adopte les recommandations de l’équipe qui s’est chargée de discuter cet accord, la Tunisie devrait bénéficier d’un don de 500 millions de dollars, soit l’équivalent de 1,3 milliard de dinars, qui est un montant considérable jamais obtenu dans l’histoire de la Tunisie. J’espère qu’un accord sur ce don sera signé par le Chef du gouverne- ment au début du mois de juillet 2021. Ce don sera destiné à la rénovation des circuits du transport notamment le port de Radès, et à la remise en état de nos systèmes d’irrigation ainsi qu’à la gestion de l’eau.
Ce programme va soutenir également les personnes les plus démunies, la femme rurale et les gens au chômage.